L’arrivée d’innovations coûteuses


À la suite des tombées massives, au milieu des années 2000, de brevets sur des médicaments d’origine chimique traitant de pathologies répandues, les entreprises pharmaceutiques ont dû repenser leur modèle de croissance. Elles ont été renforcées dans cette orientation par l’encadrement accru des dépenses de santé dans la plupart des pays développés. Elles ont ainsi recentré leurs activités de recherchedéveloppement autour de produits d’origine biologique et d’aires thérapeutiques plus ciblées et à plus fort potentiel économique. Le modèle de recherche s’est ainsi déplacé des investissements internes vers l’acquisition d’entreprises de biotechnologies. Les entreprises pharmaceutiques ont aussi fait évoluer leurs stratégies en matière de prix. Dans la négociation, leurs objectifs se sont déplacés de la mise en avant d’un retour sur leurs dépenses investies en recherche et développement vers des demandes de prix établies en fonction de la capacité à payer des acheteurs publics. Ces nouvelles stratégies, plus agressives, exercent une pression inédite sur les financeurs, parfois relayée par la communauté médicale et par les associations de patients qui réclament la mise à disposition rapide de ces innovations. Un rapport du Sénat des États-Unis a ainsi montré comment le prix du Sovaldi® y a été déterminé au seul regard de la capacité des assureurs privés à prendre en charge le traitement, indépendamment des coûts de recherche engagés pour le développement de ce médicament. En oncologie, le développement des immunothérapies, qui devrait s’accélérer dans les années à venir, marque un tournant thérapeutique majeur susceptible de peser sur la situation financière de l’assurance maladie. Après la mise sur le marché de nombreux anticorps monoclonaux, une nouvelle innovation de rupture est en voie d’apparition : l’utilisation à grande échelle de lymphocytes T d’un patient, modifiés génétiquement in vitro (dites « cellules T ») et porteurs d’un récepteur chimérique leur permettant de lutter contre les cellules cancéreuses. Le coût de ces traitements s’échelonnerait, selon les estimations, de 250 000 € à 1 M€, pour un coût de traitement médian de 500 000 € par an et par patient. Selon les prévisions d’IMS Health , le chiffre d’affaires mondial du secteur pharmaceutique, soit 1 049 Md$, augmenterait de 300 Md$ entre 2016 et 2020, soit deux fois plus vite qu’entre 2010 et 2015. Sur cette même période, 225 nouvelles molécules seraient introduites (contre 184 sur la période précédente), notamment dans des thérapies ciblées. L’arrivée prochaine de ces nouveaux traitements place ainsi le système français d’assurance maladie sous une contrainte financière dont l’ampleur n’est pas encore connue. Afin de permettre aux patients d’y accéder, il convient par priorité de se mettre en situation de financer cette dépense non seulement par des efforts de négociation de leurs prix, mais aussi de révisions des prix des spécialités princeps existantes plus systématiques, plus rapides et plus ambitieuses. En outre, la transformation des conditions de prise en charge des patients induite par ces innovations médicamenteuses de rupture doit conduire à en tirer des conséquences effectives en termes d’économies dans les autres secteurs de dépenses que le médicament, notamment à l’hôpital, et à ajuster en conséquence les financements qui leur sont consacrés.


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