Face à Trump, La Chine Choisit La Guerre D’usure


À contrecœur, le président Xi Jinping se jette dans la guerre commerciale face à Donald Trump. Longtemps, le numéro un chinois a espéré éviter cet affrontement menaçant la croissance de la seconde économie mondiale, toujours fortement dépendante des exportations. Au printemps, il avait même délégué à Washington son homme de confiance Liu He pour offrir des concessions et désarmer l’administration américaine. En vain. Acculé, le président chinois serre les dents et joue la carte nationaliste en répliquant aux mesures américaines par des droits de douane à hauteur également de 34 milliards, ce vendredi. Pékin cible les bastions de l’électorat Trump en visant l’agriculture en priorité : le soja, le sorgho, le porc ou le bœuf du Midwest, où le président « populiste » a récolté tant de soutiens. La voiture électrique et les SUV américains sont aussi soumis à des droits de douane. Lire aussi Chine-États-Unis : la guerre commerciale est déclarée « Les États-Unis sont à l’origine de cette guerre commerciale, nous ne la souhaitons pas, mais nous n’avons pas d’autre choix que de nous battre au nom des intérêts du pays et du peuple. La Chine ne cédera pas devant la menace et le chantage », a déclaré, jeudi, Gao Feng, le porte-parole du ministère du Commerce chinois. Le parti se drape dans le costume du champion du libre-échange et du multilatéralisme, chantre de l’OMC. Un discours déjà entonné par Xi lors de sa visite à Davos en 2017, et qui ne manque pas de piquant alors que les entreprises étrangères dénoncent la fermeture du marché chinois. Lire aussi Le président chinois à Davos, un « merveilleux numéro d’illusionniste » Pékin souligne l’interdépendance des économies, jugeant que les États-Unis se « tirent une balle dans le pied » du fait de leurs grands groupes qui ont délocalisé dans l’empire du Milieu, à l’image d’Apple ou Walmart. Sur la liste des 34 milliards de dollars de produits visés par l’Amérique, environ 20 milliards, soit 59 % du total, sont fabriqués par des entreprises à capitaux étrangers, affirme le régime. Résilience Mais derrière la détermination affichée en chœur par les médias officiels, un vent d’inquiétude souffle à Pékin. « La Chine a plus à perdre que les États-Unis », juge Alicia García Herrero, chef économiste Asie chez Natixis, basée à Hongkong. « L’usine du monde » a toujours besoin de ses débouchés industriels, en dépit de sa montée en gamme et de son recentrage sur le marché intérieur. Un ralentissement brutal des exportations menacerait l’assise d’une économie accro à la croissance et au crédit facile. À plus long terme, ce ne sont pas les tarifs douaniers, mais les restrictions aux acquisitions technologiques chinoises aux États-Unis qui inquiètent les stratèges. Pour réaliser son ambitieuse stratégie « Made in China 2025 » qui vise à devenir un leader mondial dans les secteurs industriels clés, la deuxième puissance mondiale a besoin de rattraper son retard technologique, à coups de rachat d’entreprises en Europe et aux États-Unis. Les veto de Washington à l’encontre de Huawei, China Mobile ou ZTE bouchent cet horizon. Mais la Chine a de la ressource et peut s’appuyer sur la résilience d’une population qui est sortie de la misère il y a seulement quelques décennies. Populaire, le président Xi peut jouer sur la carte nationaliste et s’appuie sur un parti qui quadrille la société. L’Oncle Xi peut rester au pouvoir à vie grâce à une réforme opportune de la Constitution, bien après la fin du mandat de Trump. Pékin s’arme de patience et jouera une guerre d’usure, en espérant que le président américain reviendra à la table des négociations. « Ils sont inquiets, mais ils ne paniquent pas. Ils vont s’armer de patience et résister à la tentation des mesures drastiques comme le stimulus ou la dévaluation, réservées au dernier ressort », juge le cabinet de conseils en risques américain Eurasia Group. En espérant que les industriels tiendront dans la tourmente et que les grands groupes américains feront pression sur la Maison-Blanche pour baisser la tension.


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